Guy Chartrand, ancien président de Transport 2000 La Presse, mardi 19 mars 1991 Une longue histoire ...Lors de son ouverture - le 14 octobre 1966 - le métro avait déjà fait couler beaucoup d'encre. Dès 1910, la Montreal Street Railway Company étudiait la possibilité de construire un métro. La population de Montréal était alors de 500 000 habitants et les grandes villes du monde telles New York, Londres, et Paris avaient déjà inauguré leur métro urbain. Un peu plus tard en 1929, l'ancien président de la Montreal Tramway faisait remarquer qu'aucune solution réelle aux problèmes du transport urbain n'interviendrait avant la construction d'un métro. Même à l'époque, on affirmait que la présence du métro permettrait d'augmenter la vitesse moyenne des automobiles et de diminuer l'encombrement des rues. Malgré de nombreux projets, l'idée du développement d'un système de transport rapide demeura en suspens jusque dans les années cinquante. En 1951, la création de la Commission de transport de Montréal (CTM) « étatisait » le réseau montréalais de transport en commun. La CTM déposa à la Ville de Montréal, le 23 octobre 1953, un rapport de quatre documents incluant les plans d'un futur métro - qui n'eut pas de suite faute de décision et de fonds. À la fin des années cinquante, Montréal connait une période de croissance effrénée. Le Québec vit de profonds changements; c'est l'époque de la Révolution tranquille. Au moment des élections municipales de 1960, le projet d'un métro entrait dans le champ politique. Dès 1961, des ingénieurs et des architectes constituèrent le Bureau de métro, chargé de la préparation des plans, des cahiers des charges, des appels d'offres publics et de la surveillance des travaux. L'inauguration officielle de cet immense chantier eut lieu le 23 mai 1962. Au plus fort des travaux, qui durèrent quatre ans, quelque 5 000 ouvriers travaillaient au projet. Le réseau initial, avec ses 26 stations réparties sur une distance de 25,9 kilomètres, fut entièrement conçu, réalisé et financé par la Ville de Montréal au coût de 213,7 millions $. Le 14 octobre 1966, vingt des vingt-six stations du réseau initial furent ouvertes au public. Le tracé des lignes principales (1 et 2) suivant de près les rues Sainte-Catherine (no. 1) et Saint-Denis (no. 2), et ces dernières remplaçaient des circuits d'autobus surchargés. Rappelons que ce réseau initial était composé des parcours Frontenac — Atwater (1), Henri-Bourassa — Bonaventure (2), et Berri-de Montigny — Longueuil (4). Le circuit no. 3 du métro, qui devait comporter 15 stations et emprunter les voies du Canadien National - tout en traversant son tunnel sous le mont Royal - pour aboutir au secteur Cartierville, ne vit jamais le jour. Convertir la desserte du train de banlieue de Deux-Montagnes en métro urbain aurait requis des roues d'acier au lieu du matériel roulant sur pneumatique, et desservi surtout des résidents des banlieues de Mont-Royal et Saint-Laurent, donc à l'extérieur des limites de la ville de Montréal. L'extension du réseau initial Par suite de la création de la Communauté urbaine de Montréal (en 1969), c'est cette dernière, par l'entremise du Bureau de transport métropolitain, qui devait prendre en charge l'élaboration et la construction des prolongements souterrains. C'est en 1970 que la décision fut prise de prolonger la ligne 1 vers l'est et l'ouest, et la ligne 2 vers le nord-ouest. En septembre 1970, le comité exécutif de la CUM soumettait à son Conseil son projet de prolongement du métro : Le transport public... un bond en avant. Il était alors proposé de prolonger la ligne 1 de la station Frontenac à la station projetée de Honoré-Beaugrand et de la station Atwater jusqu'au parc Angrignon vers l'ouest. Pour la ligne 2, on prévoyait un prolongement à partir de la station Bonaventure jusqu'à la rue Paré dans le secteur Côte-des-Neiges. On proposa également l'implantation d'un parcours transversal, reliant les deux tronçons de la ligne 2. Bien qu'il fut question que celui-ci soit implanté dans l'axe du boulevard Rosemont, il fut décidé d'en réaliser les travaux du côté de la rue Jean-Talon, du moins dans sa partie est. Pour ce qui est des achalandages escomptés, on soulignait - même avant sa construction - que la ligne 5 serait sous-utilisée et que « les mouvements à l'heure de pointe justifient à peine une ligne de métro. » Les travaux de prolongement de la ligne 1 débutèrent le 14 octobre 1971. Son tronçon est, vers Honoré-Beaugrand, devait entrer en service en 1976, soit juste à temps pour assurer la desserte des Jeux olympiques. Quant au tronçon ouest, vers Angrignon, il fut complété deux ans plus tard. Les premières stations du prolongement de la ligne 2, à l'ouest de Bonaventure, furent inaugurées au printemps de 1980. Entre-temps, le gouvernement du Québec dut intervenir dans le dossier. C'est en 1976 qu'il imposait un moratoire sur tout prolongement (de la ligne 2 vers le nord-ouest et sur la ligne 5). À l'origine de cette intervention, il y a son implication graduelle depuis 1973 dans le financement des transports publics. Plus tard en 1979, Québec proposait dans son Plan de transport intégré de la région de Montréal un plan quelque peu différent de celui de la CUM pour l'est de l'île. Les dissensions entre les deux paliers de gouvernement commençaient à se faire sentir. Cette proposition de Québec vint modifier le tracé de la ligne 5 à l'est de Saint-Michel. Au lieu de traverser Saint-Léonard et Montréal-Nord comme prévu en 1973 dans les plans de la CUM, ce prolongement serait dirigé vers Anjou. Après plusieurs discussions, la CUM ratifia - en 1981 - une entente avec le ministère des Transports du Québec. Par ce protocole d'entente, la CUM devait accepter l'implantation d'un métro de surface desservant l'est, la ligne 6 sur l'emprise de Canadien National et, en contrepartie, le gouvernement du Québec s'engageait à assumer 100% de tout prolongement effectué après le 1er janvier 1980. Un livre blanc intitulé Le transport en commun : un choix régional, et présenté en juin 1982 par le ministre Michel Clair, confirma les divergences quant à l'orientation que devait prendre le réseau du métro. Pendant que le ministère des Transports poursuivait la démonstration du bien-fondé de son métro de surface - selon diverses variantes - le rapport Gascon recommandait le prolongement de la ligne 5 vers Anjou, la construction d'une ligne nord-sud - la 7 - dans l'axe du boulevard Pie-IX vers Montréal-Nord et l'implantation d'un métro de surface de la station Radisson en direction de Pointe-aux-Trembles, une « ligne 8 ». Pour compliquer davantage la situation, Québec insistait pour que la technologie « fer sur fer » soit employée à la place de la technologie pneumatique dans les prolongements du métro. Un groupe de travail, composé des représentants du ministère des Transports et de la CUM, concluait en octobre 1984 à la faisabilité technique du projet, tout en soulignant le faible niveau de l'achalandage prévu pour la ligne 7 (sous le boulevard Pie-IX) de toute façon aucunement lié au type de technologie choisi. ...Le transport en commun dans la région de Montréal fut l'objet de deux commissions parlementaires en 1987 et 1988. En août 1988 le ministre de Transports d'alors, monsieur Marc-Yvan Côté, déposait son Plan de transport pour la période 1988-1998 et proposait l'extension du métro dans l'est avec, entre autres, le prolongement de la ligne 5 de Saint-Michel à Montréal-Nord. Finalement le 21 septembre 1989, un accord sur la création d'un organisme régional de transport prévoyait le prolongement de la ligne 2 vers Laval, simultanément avec la réalisation de la ligne 7 sous Pie-IX et la modernisation du circuit du train de banlieue Montréal — Deux-Montagnes. Cette entente intervint quelques jours avant la journée du scrutin provincial et à moins de deux mois des élections municipales à Laval.
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