Les oeuvres d'art dans le métro de Montréal - Benoît Clairoux
Murale, station Crémazie
Le poète dans l'univers, murale de Pannier, Lauda et Cordeau, station Crémazie

Murale, station Berri-UQAM
Murale par Robert La Palme, station Berri-UQAM

Vitrail, station Place-des-Arts
Histoire de la musique à Montréal, vitrail par Frédéric Back, station Place-des-Arts

Vitrail, station McGill
La vie à Montréal au XIXe siècle, vitrail par Nicholas Sollogoub, station McGill

Vitrail, station Berri-UQAM
Hommage aux fondateurs de la ville de Montréal, vitrail par Gaboriau et Osterrath, station Berri-UQAM

Murale, station Papineau
Les Patriotes de 1837-1838, murale par George Juhasz et Jean Cartier, station Papineau

Murale, station Sherbrooke
Murale par Vau et Bastien, station Sherbrooke

Vitrail, station Champ-de-Mars
Vitrail par Marcelle Ferron, station Champ-de-Mars

Murale, station Peel
Cercles en céramique par Jean-Paul Mousseau, station Peel

Murale, station Pie-IX
Citius, Altius, Fortius, murale par Jordi Bonet, station Pie-IX

Vue des quais, station LaSalle
Formes colorées par Michèle Tremblay-Gillon, station LaSalle

Murale, station Snowdon
Les quatre saisons – Été par Claude Guité, station Snowdon

Sculptures, station Monk
Pic et Pelle, sculptures par Germain Bergeron, station Monk

Installation, station Namur
Système, installation par Pierre Granche, station Namur

LES OEUVRES D'ART DANS LE MÉTRO DE MONTRÉAL
Benoît Clairoux

L'art dans le métro de Montréal est un sujet de recherche passionnant. On dit parfois que le métro de Montréal est l'un des plus beaux métros du monde, sinon le plus beau. Sans vouloir porter de jugement définitif, il faut reconnaître que Montréal a montré la voie à plusieurs autres villes, notamment Bruxelles qui a pris le relais avec succès (si vous devez un jour visiter cette ville, je vous recommande fortement une petite excursion dans son métro).

On a aussi écrit que toutes les stations du métro de Montréal sont différentes et qu'elles sont toutes décorées; ce n'est pas tout à fait exact. Encore aujourd'hui, plusieurs stations du réseau initial attendent leur oeuvre d'art. En fait, pour ce qui est des oeuvres d'art, le métro de Montréal a connu deux époques bien distinctes : le réseau initial et les prolongements (1976 et après). Avant de comparer ces deux époques, voici un article particulièrement intéressant, datant de 1968...

Grâce à Robert La Palme
Une fois décoré, le métro sera un livre d'images sur Montréal

La Ville de Montréal procédera dans quelques jours au dévoilement d'une gigantesque murale dans la station de métro Crémazie. Le thème de l'oeuvre est la littérature, mais la littérature dans l'histoire de Montréal. Une entreprise commerciale paiera la note - comme la chose se produit de plus en plus dans les cercles municipaux de la métropole du Canada.

La décoration des stations de métro touche un nombre quasi incalculable de gens, si l'on compte parmi les intéressés tous les usagers du système de transport rapide. Mais, en plus, il y a les artisans, les artistes, les ingénieurs, les fonctionnaires et leur paperasse. Au sommet de la pyramide, un seul homme : M. Robert La Palme, caricaturiste de son métier, mais vieux praticien des arts plastiques, qui a reçu du Comité exécutif la difficile tâche d'attribuer les contrats et de voir à ce qu'ils soient exécutés conformément au cahier des charges.

Une querelle byzantine

Ces nouvelles fonctions de M. La Palme ne lui rendent pas la vie facile. N'a-t-il pas été menacé au poing par l'un quelconque des nombreux artistes qui ont pris fait et cause contre lui? Vue de l'extérieur, la querelle a des allures d'une discussion byzantine. Les artistes font de l'exégèse sur les convictions artistiques de M. La Palme, ou bien, plus simplement, ils lui en veulent d'avoir à passer par ses quatre volontés.

Mais M. La Palme en a vu d'autres, et aucune bordée ne lui fera oublier la tâche à accomplir : décorer les stations du métro en s'inspirant des plus belles pages de l'histoire de Montréal, de façon que les oeuvres primées soient aussi belles et aussi jeunes dans 25 et 50 ans.

Les principes de M. La Palme sont simples comme bonjour : « Il faut distinguer, aujourd'hui, entre les artistes créateurs et les recherchistes, les vedettes de showbizz qui trop souvent sont lancées, consacrées et payées au nom de l'Art. J'affirme que l'art, même contemporain, doit revenir à l'humain. » En bref, ça veut dire que les illuminés, les prosélytes, les snobs de chapelle n'auront pas de place dans le métro.

Les artistes choisis, pourtant, pourront faire de l'art abstrait, mais plus difficilement de l'art non figuratif : « L'abstraction est la transposition d'un objet par l'artiste, mais dans l'art non figuratif on fabrique une forme en partant de rien. Le danger, dans cette dernière forme d'art, est qu'on se fatigue vite de la surprise ressentie au premier abord. »

Les oeuvres d'art qui orneront les stations seront aussi variées que possible, mais elles seront toujours compréhensibles, elles auront toujours un sens pour les usagers du métro.

Au stade actuel, seule la station Place des Arts est dotée d'une oeuvre. Il s'agit d'un vitrail, offert par la compagnie Steinberg. [N.d.l.R. : les cercles de la station Peel furent installés au moment de la construction.] La deuxième oeuvre à être dévoilée apparaîtra bientôt dans toute sa splendeur à la station Crémazie. Le tableau représente les poètes Crémazie, Nelligan et Saint-Denys Garneau, don de la Caisse populaire de Saint-Alphone d'Youville. La murale est due au céramiste Pannier. En revanche, aucun projet n'est arrêté encore pour deux stations, celles d'Atwater et de Peel. Dans le cas de toutes les autres stations, on possède au moins une esquisse des travaux à effectuer.

Ligne numéro 1

  • Guy : Hommage aux premiers seigneurs de Montréal, les Sulpiciens et les Soeurs Grises.
  • McGill : James McGill, fondateur de l'université, et Peter McGill, deuxième maire de Montréal, seront ici honorés.
  • Saint-Laurent : Une murale évoquera les maraîchers et les marchés à foin et à légumes de Montréal.
  • Berri-de Montigny : Carrefour du métro, cette station est au coeur de Montréal, d'où sont partis les découvreurs de l'Amérique (trois verrières). Une verrière rappellera les fondateurs de Montréal.
  • Beaudry : Station de dimension plutôt réduite, qui sera consacrée aux originaux et détraqués de la ville.
  • Papineau : Les soulèvements de 1837, en style d'Epinal, à cause du caractère populacier exploité ici; trois murales offertes par la Société des Artisans.
  • Frontenac : l'arrivée des animaux à Hochelaga...

    Ligne numéro 2

  • Henri-Bourassa : À la mémoire d'Henri Bourassa, le journaliste, le tribun et l'homme.
  • Sauvé : La chienne Pilote, qui a sauvé la colonie à plusieurs reprises en alertant son maître, Lambert Closse.
  • Jarry : Deux murales illustreront le passage du régime français au régime anglais et la première charte de Montréal (1833).
  • Jean-Talon : L'arrivée des Filles du Roi; statues de Colbert et de Talon.
  • Beaubien : La traversée de l'île de Montréal de part en part, au cours des âges, depuis les portages jusqu'au métro. L'oeuvre sera signée Robert La Palme; le sujet sera traité avec humour.
  • Rosemont : Les rois qui ont régné sur le Canada français (neuf rois français et neuf rois anglais, plus une régence française et une régence anglaise...).
  • Laurier : en hommage aux frères Charron, premiers hospitaliers de Montréal.
  • Mont-Royal : Cette station sera consacrée à l'évocation de personnages du théâtre.
  • Sherbrooke : Mosaïques qui raconteront l'histoire économique; par la Société nationale de Fiducie et la Société Saint-Jean-Baptiste.
  • Champ-de-Mars : Vitrail non figuratif offert par la Province de Québec, à la mémoire du chanoine Groulx.
  • Place d'Armes : L'histoire de Montréal, sculptée en bas-relief.
  • Victoria : Évocation du monde de la finance, mosaïque sur la première exposition universelle de Montréal, en 1851.
  • Bonaventure : Sur la Place du Canada, invitation à chaque province d'offrir une murale; au plafond d'un escalier, l'hymne Ô Canada.

    Ligne numéro 4

  • Sainte-Hélène : A l'extérieur, évocation du drapeau de Montréal, à quatre fleurs.
  • Longueuil : Les frères Le Moyne, sept sculptures monumentales.

    Source : Le Petit Journal, 25 février 1968

  • Qui a pensé à intégrer l'art au métro de Montréal? Il semblerait que ce soit Claude Robillard, directeur de l'urbanisme de la ville de Montréal à l'époque. Comme nous avons pu le constater dans le texte ci-dessus, d'autres bâtiments municipaux bénéficiaient déjà de ce programme. Mais avec le métro, c'était rien de moins qu'une immense galerie d'art que voulaient mettre en place le maire Jean Drapeau et son bon ami Robert La Palme.

    Hélas, une trentaine d'années plus tard, la grande majorité des oeuvres imaginées par La Palme n'ont toujours pas pris vie. Seules les stations McGill (« la vie à Montréal au XIXe siècle »), Berri-UQAM (vitrail en hommage aux fondateurs de Montréal), Papineau, Sherbrooke (« les réalisations de la Société Saint-Jean-Baptiste ») et Champ-de-Mars (verrière de Marcelle Ferron) ont suivi les stations Place-des-Arts (« l'histoire de la musique à Montréal ») et Crémazie.

    Même avec le programme Réno-métro de ces dernières années, le réseau initial du métro paraît encore un peu triste. On peut même avancer que ce programme a fait plus de mal que de bien aux oeuvres d'art du métro de Montréal - pensons aux cercles de céramique de la station Peel, replacés un peu n'importe comment!

    Mais l'idée était lancée, et avec les premiers prolongements du métro en 1976, l'art dans le métro prenait des proportions inégalées. On s'était contenté, jusque là, d'oeuvres d'art commanditées par des mécènes et installées des années après l'ouverture des stations (car l'argent se faisait longuement attendre); dorénavant, les oeuvres d'art allaient être inclues dans les budgets de construction et directement intégrées à l'architecture des stations.

    Et au grand dam de M. La Palme, l'art non-figuratif allait faire son entrée dans le métro de Montréal! Avec le temps, des dizaines de nouvelles stations se sont rajoutées au réseau et des oeuvres d'art spectaculaires ont fait leur apparition. À la station LaSalle, par exemple, c'est la station au complet qui peut être considérée comme une oeuvre d'art tellement les formes géométriques de l'ouvrage sont inhabituelles. Comme dans les années 1960, on a fait appel à certains des plus grands artistes d'ici, comme Jordi Bonet pour la murale de la station Pie-IX (superbe mais totalement ignorée par les partisans des Expos!). Notons enfin l'influence de Mousseau qui a signé durant cette période de nombreuses oeuvres, particulièrement durant les années 1970 (Viau, Honoré-Beaugrand et Angrignon).

    Mais la question se pose : quand finira-t-on l'ambitieux programme imaginé par Robert La Palme en 1968 ? Impressionnante, la galerie d'art du métro de Montréal n'en demeure pas moins inachevée.

    Reproduit avec l'aimable autorisation de Benoît Clairoux.

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