Judith Ouimet
JUDITH OUIMET, LA VOIX DU MÉTRO
Matthew McLauchlin

On peut maintenant mettre un visage à la voix !

Judith Ouimet est narratrice hors-champ indépendante. Avec la venue du système Télécité, la STCUM lui a demandé d'enregistrer les annonces des noms de stations de métro (Écoutez!) pour le système Télécité. (Avec la refonte du système, elle a téé suivie par l'actrice Michèle Deslauriers.)

J'ai eu la chance de réaliser une interview avec elle, le 12 mars 2002, ce qui m'a permis de découvrir un peu son travail pour le métro, dans ses propres mots.


Je m'appelle Judith Ouimet, je suis narratrice hors-champ. Je pratique ce métier depuis au moins quinze ans. On m'a contacté pour faire les annonces des stations de métro, il y a huit ans je crois.

Q. Qui est entré en contact avec vous ?
Des employés de la section de production commerciale, à la STCUM.

Q. À l'époque, étiez-vous à votre compte ou aviez-vous un emploi ?
Au début j'étais à l'emploi de TQS, Télévision Quatre Saisons, comme narratrice hors-champ. J'ai travaillé à TQS pendant au moins cinq ans. Puis le service de la production commerciale a été démantelé. Tous les producteurs se sont retrouvés obligés de mettre sur pied leurs propres petites entreprises. Je travaillais à mon compte et ils m'engageaient. Ils me disaient : « c'était vous, la voix de TQS; on va vous faire travailler, vous donner des contrats »... alors j'ai continué comme ça... Puis un jour, j'étais toujours à mon compte et on m'a appelé pour faire les annonces du métro.

Q. Comment ont-ils obtenu votre nom ?
Je n'en ai aucune idée. (rire) Je suis désolée. Vous savez, votre nom circule — j'imagine que quelqu'un a entendu parler de moi... J'étais quasiment la seule à faire les voix hors-champ, toute la publicité, toute la promotion — mon nom a fini par circuler...

Q. Comme ça, les personnes qui écoutaient TQS à l'époque reconnaissent peut-être votre voix.
Oui, c'est sûr. Ça se peut.

Q. Combien de temps cela vous a-t-il pris ? Comment cela s'est-il passé ?
On m'a expliqué que c'était tout nouveau, que c'était quelque chose qu'on voulait installer dans les rames de métro. Tout était nouveau, alors on ne savait pas tout à fait comment ça se passerait, mais on savait qu'on avait besoin d'une voix et on savait quel genre de voix. On m'a demandé de faire des essais. Il fallait filtrer ma voix à l'aide d'une machine spéciale. On a trouvé que ma voix convenait tout à fait. Ça les inquiétait — fallait pas aller trop dans le grave. Le système exigeait une voix de registre moyen. Si la voix était trop aiguë ou trop grave, cela ne sortait pas bien.

Q. Sur le plan de la tessiture, quelle voix avez-vous ? Contralto ?
Oui. (rire) C'était juste la voix qu'il fallait pour ça, on a fait les tests et ça a marché.

Q. Combien de prises fallait-il pour chaque station ?
On est allé dans un studio et on a enregistré pendant huit heures — toute la journée. Ça se passait comme ça : j'avais les noms de toutes les stations de métro, et tous les noms des rues...

Q. Des rues ?
C'était deux choses à la fois : le métro, et tous les arrêts d'autobus.

Q. Ah, TELBUS ?
Oui, j'ai fait TELBUS aussi. On m'a donné des feuilles avec tout ce que j'avais à dire. Il fallait le dire de trois façons : comme une question, comme avec un point et comme avec une virgule. Il faut dire les noms en finissant différemment trois fois... et on continue, on passe au suivant, on n'arrête jamais. Et il faut que la voix reste toujours pareille, même deux heures plus tard. Il faut se concentrer beaucoup.

Q. Et vous avez tout enregistré en une seule journée ?
Non, en réalité, ç'a pris deux journées de huit heures.

Q. Comme ça, c'était pour TELBUS et pour le métro. Avez-vous eu besoin de faire des recherches pour trouver comment prononcer le nom de certaines stations de métro ?
Oui. Je fais toujours vérifier, jusqu'à ce que ça soit très, très certain. Je n'enregistre jamais, si on n'est pas sûr.

Q. Quels noms avez-vous eu besoin de faire confirmer ?
Les noms anglais. Il y a des noms qu'il faut dire avec un accent anglais.

Q. Vous avez dit que les annonces sont en service depuis huit ans déjà ?
Je pense... je pense que c'est à peu près ça. Maintenant, ils vont changer des choses.

Q. Oui, j'ai entendu ça — on va en parler tout de suite après. J'allais vous demander si vous prenez le métro souvent, vous-même ?
J'habite la Rive-Sud, alors je ne le prends pas souvent. Évidemment, je l'ai déjà pris — parfois je le prends.

Q. Trouvez-vous ça étrange d'entendre votre propre voix ? ou bien êtes-vous habituée, à cause de votre travail...
Je me demandais bien comment ça sonnerait. Je pensais toujours : « Peut-être que j'aurais dû dire cela différemment » mais je crois qu'ils étaient satisfaits de mon travail. Je me demande quand même si ça finit par déranger les passagers après un certain temps. Ce qui m'a dérangé, par contre, c'est quand je leur ai demandé : « Pourquoi pas changer de temps en temps ? C'est tellement répétitif. Peut-être qu'il faudrait changer... faire quelque chose de différent. » Et on m'a dit, « Non, c'est impossible, c'est trop cher. » J'ai demandé à quelques reprises, puisque des gens répétaient après moi, dans le métro : « Merci d'avoir voyagé... » Aïe! (rire)

Q. Savaient-ils qui vous étiez ?
Un jour on m'a dit que mon nom était passé sur les afficheurs Télécité. J'ai pensé « Mon Dieu! Mon nom est là devant tout le monde! » Mais en fin de compte, il n'y avait rien là. Et je suis effectivement très contente qu'on envisage des changements. Peut-être qu'ils vont me demander de le faire encore, évidemment, et j'espère qu'ils vont me demander de dire quelque chose de différent.

Q. Avant la décision de changer les annonces, est-ce qu'on vous a demandé d'enregistrer les noms nouveaux, comme dans « Merci d'avoir voyagé avec la STM » et « Prochaine station, Jean-Drapeau », par exemple ?
On a fait Jean-Drapeau, mais ça n'a jamais été installé. C'est enregistré, mais le directeur de Télécité m'a dit que ça prenait beaucoup de temps à l'interne pour faire bouger les choses. Ils vont finir par l'installer — bientôt, j'imagine.

Q. Vous êtes au courant du projet de remplacement du système actuel. Je me suis informé et il paraît que c'est pour des raisons techniques. Ils refont tout le câblage et ils vont installer un système différent. Qu'est-ce qu'ils vous en ont dit ?
En fait, je ne savais pas qu'ils allaient changer le système. Je comprends, évidemment, que les appareils s'usent et vieillissent, que c'est un système très délicat, que c'est très long à installer, etc. Alors ils vont sûrement me faire enregistrer tous les noms possibles pour les avoir dans la base de données. On va probablement enregistrer les annonces pour le métro de Laval aussi, même s'il n'est pas encore ouvert. Le reste est vraiment très délicat — c'est tout ce que je sais — et on va voir comment ça fonctionne.

Q. Est-ce que ça arrive qu'en entendant votre voix des personnes se rendent compte que c'est vous qui avez enregistré les annonces du métro ?
Je ne crois pas. Enfin, peut-être, peut-être pas. La seule chose qu'on m'ait dite, c'est : « C'est vraiment vous ? Je ne vous reconnais pas. »

Q. Vraiment ?
C'est à cause du système; ça ne sonne pas pareil. J'ai pris une voix spéciale, une prononciation spéciale, pour que ça soit très, très clair et que ça ne dérange pas, pour éviter qu'on pense « Ah! qu'elle se taise! ». (rire) Il faut que ça soit quand même assez agréable à entendre, pas agaçant.

Q. Y a-t-il beaucoup de personnes qui savent que c'est vous ? Dans votre entourage, est-ce qu'on sait que c'est vous ?
À l'époque, on m'a présenté à la presse comme la voix du métro de Montréal. Entre-temps, il y a eu tellement de changement au sein du service de la publicité et des communications que l'idée est tombée dans l'oubli. Les responsables n'étaient plus les mêmes. À l'époque on voulait vraiment publiciser la chose, on voulait que le public sache que c'était moi, qu'on voit ma photo dans les journaux, etc. mais, au bout d'un temps, on a tout arrêté. Que voulez-vous... Ça dépend des personnes responsables, maintenant.

Je crois que le nouveau président d'ALSTOM Télécité pense reprendre cette idée. Il veut que ça soit plus publicisé, alors j'imagine que ça va reprendre.

Un jour, il y a deux ans, un jeune journaliste m'a appelé. Il voulait faire un article sur moi et sur Madame Bell, la voix de Bell. Mais en fin de compte elle a refusé; alors ça n'a pas marché. C'est la seule fois qu'on m'a demandé de faire quelque chose du genre, depuis le début. On dirait que le public ne se rend pas vraiment compte, ou que ça ne les intrigue pas plus que cela. Je ne sais pas.

Q. J'imagine que la plupart des gens ne passent pas plus de temps que ça à penser au métro... Mais il en reste quand même certains, comme moi, qui s'y intéressent, qui veulent en savoir plus, qui veulent vous connaître et apprendre comment c'était de tout enregistrer ça.

Q. Dans les personnes qui vous connaissent, qui savent que c'est vous qui avez enregistré les annonces, est-ce qu'il y en a, parfois, qui vous demandent de répéter votre texte pour eux ?
Oui. Et j'ai horreur de ça. (rire) Parce que je ne me souviens pas comment je l'ai dit. J'ai fait ça huit heures d'affilée, j'ai pris un ton spécial et puis c'était fini. Enfin, oui, le message de bienvenue et celui d'au revoir, je m'en souviens — mais pas le reste.

Q. Comme ça, vous n'aimez vraiment pas le faire... J'allais pourtant vous demander...
(rire)

Q. Mais si vous n'aimez pas ça, ça n'est pas grave.
Je ne me souviens même pas de ce que j’ai dit exactement.

Q. « Merci d'avoir voyagé avec la STCUM. Bonne journée. »
(rire) Bon, ça va, je vais le faire, mais seulement pour vous! Je vais essayer. OK... (imitant l'annonce) « Merci d'avoir voyagé avec la STCUM. Bonne journée. » Un peu comme ça.

Q. Eh bien, je ne voulais quand même pas vous mettre dans l'embarras... je vous remercie beaucoup de ce privilège !


Merci beaucoup à madame Judith Ouimet pour sa patience et sa précieuse collaboration.

Fichier audio berri-uqam.wav offert par Iain Hendry.

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